dimanche 11 décembre 2011

Premières impressions du Bénin

Vendredi 2 décembre 2011, dans un taxi, en transit à Casablanca, Maroc…

« Bonjour ma sœur, comment ça va ma sœur?
— Je vais bien merci, et vous?
— Ah oui, très bien merci. Et la famille, ça va?
— Ah oui, la famille ça va bien, merci. De votre côté?
— Ah vous savez, la famille se porte bien, ça va comme ça va. Alors, où allez-vous comme ça ma sœur?
— Je m’en vais à Cotonou, Bénin.
— Hou! Le Bénin! Eh bien faites bon voyage ma sœur
— Merci bien, bonne soirée! »

Ça y est, je suis bel et bien arrivée au Bénin, saine et sauve dans ce « nouveau » pays, dans cette nouvelle ville, dans cette nouvelle vie africaine. Sept jours que je suis là et je suis bien loin (en distance et en culture!) du Québec et du rang de la Bayonne Nord. Mais n’ayez point d’inquiétudes chers parents et amis, je me débrouille très bien pour l’instant, comme j’ai toujours su le faire, et je m’acclimate tranquillement à mon nouvel environnement.

La réalisation d’un rêve d’enfance

Avant de partir, je me suis enfin décidée à faire le ménage de ma chambre chez mes parents à Berthier. Et quel ménage! Presque 26 ans d’accumulation, de bulletins scolaires et de travaux d’école, de souvenirs de voyage, de photos, de vêtements, de souliers, de lettres, de cartes, de journaux intimes… Et c’est en faisant ce ménage que je suis tombée sur un passage incroyable que j’ai écrit quand j’avais 12 ans. C’était le 1er avril 1998. Je vous le retranscris :

« Mercredi 1er avril 1998
Bonjour Catherine (c’était le nom de mon journal!),

Aujourd’hui, j’ai un grand projet : Aller en Afrique pour aider les gens là-bas. J’aimerais les aider comme par exemple construire des écoles où il n’y en a pas, mettre des sources d’eau où il en manque, etc. Mais il va falloir que j’étudie très fort pour cela. Il faut savoir parler l’Africain, il faut savoir être bon à l’école et il va falloir que j’aie à peu près 10 piqûres pour aller là. Ma mère m’a dit que les gens qui aidaient les Africains commençaient habituellement à 25 ans. Moi, j’aimerais pouvoir commencer à 20 ans. Si un jour mon rêve se réalise, ce sera le plus beau jour de ma vie! »

Voilà, ce passage dit tout. J’avais 12 ans et je rêvais d’aller en Afrique faire de la coopération internationale. J’en ai 25 et voilà que mon rêve de petite fille se concrétise. Incroyable quand même la vie! Ça m’a émue de lire ça, vraiment. J’ai « scanné » ce passage de mon journal que je garde précieusement et je l’ai mise en pièce jointe à ce courriel, si vous voulez voir la « vraie » version.

Premier contact avec l’Afrique

J’y étais préparée, on me l’avait dit plusieurs fois, mais je n’y peux rien, ça m’a mise mal à l’aise un peu, au début. En attente de prendre mon vol Casablanca-Cotonou, j’étais bien assise dans la salle d’embarquement et je me sentais observer par beaucoup de paires d’yeux. J’essayais d’en faire abstraction, mais c’est plus facile à dire qu’à faire. Eh oui, mon statut de minorité visible a commencé à ce moment précis. Finalement, je n’ai pas essayé de fuir leur regard; je leur ai plutôt souri et c’est ce que j’ai eu en retour, de beaux sourires béninois. Bienvenue en Afrique ma chère!

Accueil béninois

6h00 de vol plus tard et une petite escale à Lomé, capitale du Togo, pays voisin (à l’ouest), me voilà à Cotonou. On m’a réservé un accueil incroyable, vraiment. Évelyne Joncas, la représentante d’Oxfam-Québec au Bénin, est venue me chercher avec son acolyte béninois, Hilarion, logisticien chez Oxfam, à 5h30 du matin à l’aéroport. On m’a installée dans une maison « de passage », dans laquelle je peux rester plusieurs semaines (le temps de me trouver un appartement), dans un quartier du nom de « cité Houeyiho » qui signifie en fon (dialecte le plus parlé au Bénin) « cité du soleil couchant ». Invitant, vous ne trouvez pas?

Évelyne a vraiment pensé à tout : une épicerie de base, un peu d’argent pour « survivre » à ma première fin de semaine, des draps fraîchement lavés et installés sur le lit. De mon côté, j’avais pensé à apporter mon cellulaire que j’utilisais en Belgique et qui traînait au fond de mon tiroir à Berthier. Et Évelyne avait déjà pensé à acheter une puce et donc en moins de deux, j’avais déjà un téléphone fonctionnel et un numéro béninois. Elle a aussi demandé à Hilarion d’aller acheter une moustiquaire, du pain, et d’apporter un casque de moto, pour que je puisse me déplacer en toute sécurité. Bref, en moins de deux heures, j’étais plus que « greyée » comme on dit!

Le premier jour, samedi, deux de mes collègues d’Oxfam, Danielle et Aminata, très sympathiques, m’ont invitée à manger dans un maquis (restaurant populaire béninois). C’est là que j’ai mangé de l’antilope pour la première fois de ma vie. C’était pas mal! J’ai eu droit également à un premier petit tour de ville, des différents quartiers et on a même passé devant un mariage béninois. J’ai pensé à quelques-uns d’entre vous (et à moi aussi!) qui aimons tant nous déguiser. Vous auriez été servis là, je vous le garantis! Le top costume était porté par un monsieur très respectable d’une soixantaine d’années : tout habillé de soie rose foncé avec de la petite finition autour en or (rien à voir avec l’habit « africain » tout en couleur, le pagne). Et le haut qui « fitte » avec le bas bien entendu, le tout agrémenté de souliers noirs hyper pointus. De toute beauté, je vous le dis! Un costume à faire rêver tous les « Halloweeneux » de la planète! Je n’avais malheureusement pas mon appareil photo, alors je n’ai pas pu immortaliser la tenue.

Ma première journée n’est pas terminée! Il manque la superbe cerise sur le sundae : les retrouvailles avec un bon ami béninois, Désiré, que j’ai connu quand j’ai fait mon échange étudiant en Belgique. Que de plaisirs que de le revoir! Il m’a amenée dans un autre maquis de Cotonou et il m’a aussi présentée à sa femme et à sa petite fille d’un an et demi. Ça faisait plus d’un an et demi qu’on ne s’était pas vu, alors c’était trop génial de se revoir, d’autant plus qu’il ne savait pas que je venais jusqu’à la dernière minute, et encore moins pour un an! Je suis super contente d’avoir un ami « local », ça facilite vraiment l’intégration.

J’ai eu droit le dimanche à une sortie avec une autre collègue de travail, Julie, une Française (eh oui, ils sont partout ces Français! Petit clin d’œil à vous chers ami(e)s, hihi!). Elle m’a amenée à une partie de soccer France-Italie. Il y avait bien que des Français du côté des « Bleus », mais je n’ai pas trop vu la représentation italienne au sein de l’équipe de l’Italie; c’était plutôt des Béninois. Après un match très serré, la France s’est finalement inclinée 2-3 face aux « Italiens ».

J’ai également fait mon baptême de « zem » cette journée-là. Les zems sont les motos qui font office de taxi. Combien coûte une course? La modique somme de 200-300 Francs CFA, soit 40-60 cents. Et pour prime, tu te prends une bonne dose de monoxyde de carbone, le chaos, le vrai, l’incontournable chaos, les klaxons qui viennent avec et la qualité très douteuse des routes. Je vous le dis, après un coup d’œil ici, les nids de poule et l’état des routes et tous les travaux de construction au Québec, c’est un vrai luxe! Ici, on appelle ça « attache ta tuque », ou plutôt ton casque avec de la broche! D’ailleurs, pour rehausser ma « visibilité minoritaire », eh bien je porte un casque, eh oui, pour les assurances, mais aussi parce que je tiens à ma vie… Mais je suis en effet une des rares, puisqu’aucun Béninois, ou à-peu-près, ne porte le casque. Et ce sont des familles entières sur les zems, les femmes avec les bébés accrochés au dos, des bidons d’essence vide, des gros paniers d’osier, etc. Bref, une autre conception de la sécurité, y’a pas à dire. De voir toutes ces motos, ça m’a fait penser à Hanoi, Ho Chi Minh et au Vietnam en général.

Logistique cotonoise

Malgré mon allocation mensuelle de coopérante volontaire, qui tout à fait décente, mais somme toute pas très élevée pour un salaire « québécois », je suis une « riche » ici. Je ne sais pas le salaire béninois moyen,  certains gagnent très bien leur vie, mais d’autres ne gagnent qu’entre 50 000 et 100 000 FCFA par mois voir moins (entre 100$ et 200$ par mois)… Il est vrai que le coût de la vie est beaucoup moins cher qu’au Québec, mais reste que 100 $ par mois, c’est pas cher payé.

Comme tous les coopérants volontaires et les expatriés en général, il y a un gardien (fort sympathique d’ailleurs) 24 h sur 24 là où j’habite, Également, tous les coopérants d’Oxfam ont une « nounou », une femme de ménage et ils m’ont fortement conseillé d’en engager une, Aisha, qu’ils connaissent très bien d’ailleurs. J’ai vraiment hésité au début, puisque je vis seule et je peux très bien me débrouiller sans femme de ménage, comme je le fais au Québec. Mais j’en ai parlé à Julie (ma collègue française) entre autres, et elle me disait que ça donnait un bon salaire à une Béninoise et ça nous évite de faire le lavage des vêtements à la main, et autres corvées qui ne sont pas de tous repos. Bref, après mures réflexions, me voilà rendue avec une employée! Moi avec une femme de ménage! Cette semaine, elle m’a même préparé quelques plats qui étaient délicieux!

Je suis aussi allée m’ouvrir un compte en banque à la BOA, soit la Bank Of Africa, question de déposer mon premier salaire et mon montant d’installation. Tout s’est bien passé, mais à l’africaine évidemment. Il me fallait une attestation de résidence et donc deux de mes collègues m’ont accompagnée chez la chef de quartier de cité Houéyiho (oui oui, je dis bien la, c’est bien une femme chef de quartier). La madame était dehors, dans sa cour de sable en train de couper du poisson, elle en avait plein les mains, y’avait toute une odeur, des moustiques, des petits lézards… On a fait les salutations d’usage et mes collègues lui ont expliqué en langue locale ma demande d’attestation. Elle a tassé ses poissons, s’est rincée un peu les mains a pris mon passeport et m’a bien fait l’attestation. Je n’avais pas du tout l’impression d’être chez une « chef » de quartier, mais voilà les apparences sont parfois trompeuses. Enfin, après bien de la patience, 3 visites à la BOA, l’aide d’Hilarion m’ont collègue logisticien, mon compte en banque est enfin ouvert et je devrais recevoir ma carte sésame qu’ils appellent ici (carte débit) d’ici 2 semaines.


Yovo et sécurité

Les Béninois nous appellent souvent Yovo, ce qui veut dire « peau blanche ». Et qui a la peau blanche ici est riche, les Béninois font automatiquement cette association. Et donc en tant que Yoyo, je dois quand même être bien prudente, surtout pour les sorties le soir. Ce n’est pas comme à Montréal où tu peux revenir tranquillement, à pied, à 4h00 du mat. Ici, si tu as à sortir, faut le faire avec des ami(e)s et se faire raccompagner absolument à la maison et apporter le moins d’argent possible avec soi et ne pas montrer que tu as de l’argent, donc éviter les chaînes, colliers, bijoux en or et autres. Et comme le temps des Fêtes approche, on nous a dit plusieurs fois que les voleurs et les voyous rehaussaient leurs « activités » afin d’avoir plus d’argent pour les festivités. Et j’ai entendu plusieurs histoires qui se sont passées dernièrement et j’ai même été témoin d’une agression, celle de ma collègue, pas plus tard que mercredi soir…

Comme elle a un véhicule, Danielle, qui a une soixantaine d’années, m’a ramenée chez moi après le travail. Nous nous sommes arrêtées dans une épicerie sur la voie rapide, car elle voulait me montrer les produits locaux. En sortant, je suis montée dans son jeep, qui était stationné parallèlement à la voie rapide, et, au moment où Danielle allait monter, elle s’est fait prendre sa sacoche qui était à son épaule par deux gars sur une moto. Elle la tenait fermement, mais le gars a tout de même réussi à prendre sa sacoche et Danielle est tombée en plein milieu de la voie rapide… Et moi, impuissante, j’ai assisté à la scène assise du côté passager… J’ai voulu sortir, mais la porte était barrée et le temps que je réagisse, la moto était rendue bien loin déjà. Fort heureusement, Danielle ne s’est pas fait frapper par une moto ou une voiture. Par contre, elle a tout perdu : passeport, visa, carte de crédit, permis de conduire, clefs USB avec tous ses documents et ses photos depuis les 5 dernières années, bref tout. Et elle doit normalement retourner au Québec le 15 décembre prochain pour fêter Noël en famille. Elle a fait les démarches le lendemain, mais ce n’est pas certain que son passeport temporaire soit prêt à temps. Enfin, toute une histoire. Nous sommes allées faire une déclaration de perte et d’agression à la police, mais bon, ça ne rapportera pas sa sacoche. Le pire, c’est qu’on parlait de sécurité le matin même, c’est elle qui m’a fait un atelier sur la sécurité à Cotonou et au Bénin! Elle connaît quand même bien l’Afrique : ça fait 6 ans qu’elle y vit! Et elle me disait qu’elle ne s’était jamais fait voler ou agresser. Et le soir même, vlan! Et moins, la p’tite nouvelle, eh bien j’ai été témoin impuissante de la scène, après 5 jours en sol béninois. Bref, PRUDENCE s’impose. Et PRUDENTE je serai, y’a pas de doute.

Visite de la commune de Sô-Ava

Je viens tout juste de terminer ma première semaine avec Oxfam-Québec Bénin. J’ai surtout pris connaissance des dossiers, rencontré toute l’équipe, arrangé la paperasse et la logistique, participé à ma première réunion… et, cerise sur le sundae : je suis allée visiter mon partenaire, soit la Commune de Sô-Ava, avec qui je vais travailler. J’y suis allée avec mon collègue nigérien Maazou qui s’occupe déjà du dossier depuis 3 ans. Et quelle visite!

Il s’agit d’une commune lacustre, composée de 7 arrondissements et de 42 villages, et une population d’environ 100 000 habitants, située à une trentaine de kilomètres de Cotonou, au nord du lac Nokoué. Il y a certains villages construits entièrement sur l’eau, avec des maisons sur pilotis. Les enfants vont à l’école en pirogue, car c’est évidemment le moyen de transport principal. Il y a même un marché flottant à Ganvié, un des 42 villages de la commune. Ça m’a un peu fait penser au delta du Mékong, au sud du Vietnam, avec son marché flottant et tout le monde en pirogue. Cet endroit est tout simplement paradisiaque, une perle pour les yeux. Malgré sa proximité avec Cotonou, on se croirait au bout du monde. Et c’est peut-être là où on est, au bout du monde…

J’ai rencontré des personnes clefs avec qui je vais travailler et collaborer au cours des prochains mois et de la prochaine année: Hyppolite, le coordonnateur de l’association de Sô-Ava qui regroupe une douzaine d’organisations de la société civile, ses collègues, le maire de la Commune de Sô-Ava et ses acolytes. Hyppolite m’a fait un petit tour de pirogue pour me montrer 2-3 villages et il m’a raconté certaines légendes très intéressantes de la commune, issues des croyances ancestrales. Je vous en raconterai une dans mon prochain blogue.

Enfin, j’ai évidemment pu constater les défis environnementaux, qui sont nombreux dans les villages lacustres. Les gens urinent et défèquent souvent dans l’eau ce qui l’a rend insalubre; les travailleurs, les pêcheurs et autres villageois boivent parfois cette eau, à défaut d’en avoir une de meilleure qualité, ce qui engendre des problèmes de santé. Pour vous donner une idée, y’avait un petit cochon mort qui flottait dans l’eau quand on se promenait en pirogue. Il y a d’ailleurs eu une épidémie de choléra l’année passée, durant les inondations du mois d’août et de septembre. Parlant d’inondations, le niveau de l’eau est très bas actuellement, comme c’est la saison sèche, mais on peut voir la trace jusqu’où l’eau est montée sur les maisons et les bâtiments… et ça n’a pas du être facile à gérer tout ça, parce que l’eau est montée en titi. Il y a aussi les problèmes de gestion des matières résiduelles, les sacs de plastique qui sont jetés dans le lac et ça fait entre autres mourir les poissons. Bref plusieurs problématiques et des ressources limitées. Mais y’a certainement de quoi faire et améliorer la situation je pense.  

Enfin, ça fait à peine 7 jours que je suis ici, mais j’ai plutôt l’impression d’être à 7 années-lumière du Québec. En plein dépaysement/apprentissage/rencontre/nouvel environnement et j’aime ça!

Bon, je m’arrête ici, car je pourrais encore continuer, mais je sens que ce premier blogue commence à être long.

Si ça vous intéresse de découvrir l’Afrique, vous êtes les bienvenus au Bénin n’importe quand! Laissez-moi un peu de temps pour m’intégrer, pour me faire des ami(e)s, pour connaître les « spots », et je vous attends. J

Bonne journée, bonne fin de semaine et prenez soin de vous,

Geneviève xxxx

Je vous laisse sur une citation béninoise (qui « fitte » avec la thématique commune lacustre) :
« Ne repousse pas la pirogue qui t’a déposé sur la berge. »